• « Drôle de relation » – Guillaume Puccio

  • J’aime le cinéma comme je le hais.
    J’aime aller au cinéma.
    J’aime ne pas aller au cinéma.
    J’aime voir un film, voir des choses bouger sur un écran, des couleurs, des personnages…
    Mais j’aime ne pas y aller aussi. Comme si le film qui me tentait, je me devais de le laisser se faire désirer à moi. Comme s’il devait me convaincre par je ne sais quels moyens d’aller le voir en priorité. De m’organiser coute que coute pour trouver le temps de le visionner.
    Je considère peut-être une oeuvre cinématographique comme une personne, un ami plutôt. Des fois j’ai besoin de lui, des fois je n’ai pas besoin de lui. Des fois j’ai envie de l’écouter parler, me raconter ses amours, ses malheurs, ses rires, ses salades, bref sa vie. Et des fois j’ai envie de l’ignorer totalement, de le zapper de ma vie, préférant ma petite quiétude et mon quotidien solitaire.
    Le cinéma est mon ami sacré. Ah, un sacré ami ! Il m’a sorti de pas mal de galères, m’a donné des points de vues, des points de vies qu’aucuns autre ami n’aurait fait à sa place. Il m’a distrait quand j’avais un coup de blues. Il m’a fait pleurer quand j’avais trop d’émotions en moi. Il m’a soulagé et apaisé quand j’avais le coeur lourd. Et il m’a fait rire quand j’étais au plus bas.
    Le cinéma m’est précieux mais j’aime l’envoyer balader. Et il se balade très bien sans moi. Mais je sais qu’il m’aime aussi même s’il se promène tout seul. C’est une drôle de relation que j’entretiens avec lui. On joue au chat et à la souris. Par contre dès que l’on se voit, les premières secondes sont fusionnelles. Je le regarde, il me regarde et la magie opère. Après il m’a souvent déçu car avec le temps et les années je deviens de plus en plus vigilant et exigeant face à ce qu’il me dit et parfois il dit n’importe quoi ou bien il est totalement hors sujet, hors de lui, hors ce qu’il fait son charme, son authenticité. Oh, faut dire qu’il se fait vieux mon ami, il a près de 120 ans ! Le cinéma, mon ami donc m’est cher, je lui ai dit souvent au guichet. Il saura toujours me parler, même si c’est certes parfois pas les bons mots mais au moins il essaye et me propose toujours et constamment des choses, auxquelles j’adhère et d’autres auxquelles je n’adhère pas. Mais c’est comme ça.
    Comme je l’ai dit il est vieux. Parfois je le vois tremblant, pensant qu’il va pousser son dernier souffle mais se relève toujours. Il a une force incroyable. Mon seul souhait c’est de ne pas mourir avant lui.
    Cinéma je t’aime !